Je dépose sur une table la pile de livres, bien alignés, angles sur les angles, bien droite, parfaite, sauf que c’est une erreur. Cette tour est tellement bien constituée que je n’oserais pas enlever un des étages. Sous les couvertures fines et sobres, je sais ce qui dort, ce qui m’attend : des pages et des pages d’encre, de déliés et de courbes, des mots. Des mots, des vers que j’ai peur d’être incapable de lire. Alors j’inspire un grand coup, prend le livre du dessus et l’ouvre en même temps que je m’assois. Les lignes sont sous mes yeux, paragraphes, strophes, chaque ligne, chaque lettre prenant exactement le même espace sur la page. Je le sais. Ça fait partie des normes éditoriales. Je sais aussi que ce recueil a été écrit par Charles Baudelaire dont je savais l’année de naissance et celle de mort par cœur, deux parenthèses accolées au sein de toute l’éternité, mais dans mon autre vie. Je n’arrive pas à m’en souvenir. Je n’arrive plus à lire, non plus. Ça vient parfois, et ça repart après un temps. C’est fatiguant et cela me tétanise. À la place de mes histoires et mes poèmes chéris, je vois des bouillies noires trouées de blanc, espaces, vides. Ma tête oscille entre les interlignes. Je tangue. J’ai l’impression de ne plus faire que ça, depuis déjà plusieurs années – c’est incroyable, ce temps qu’on peut passer à marcher sur le fil, légère inclinaison plutôt à droite, ensuite à gauche, sans jamais s’effondrer, enfin. J’ai cru que je marchais tout droit et j’ai aussi cru que les médicaments m’aideraient à garder le cap, que ce serait un genre de balai glissé dans mon dos, entre ma peau et mon chemisier, comme un tuteur. Mais cela ne suffit pas. Je déteste le penser, et je bloque ma respiration quand je le fait, par réflexe ; peut-être pour faire la morte. La preuve que des combinaisons chimiques ne sont pas toutes puissantes, aujourd’hui, dans cette bibliothèque gigantesque et studieuse, au cœur de ces milliers de livres, mes yeux ne parviennent pas à distinguer la moindre syllabe. Je referme Baudelaire. Peut-être un peu trop fort, le livre émet un claquement étouffé et je sens un léger courant d’air sur mon visage. Je le repousse, la tranche contre le reste de la pile, et me demande combien de temps cette passe va durer cette fois, quand est-ce que ça passera, si je dois le signaler à mon psychiatre et qu’est-ce que je vais bien pouvoir faire de toutes mes heures creuses. Surtout, je me demande combien de temps la marche sur le fil est-elle encore censée durer. Peut-être que je n’ai pas réalisé que je poussais trop fort à nouveau, ou que j’ai fais un faux mouvement sans m’en rendre compte, à moins que la pile n’ait été en équilibre précaire depuis le début. Elle s’effondre. Je vois tous les grands noms de la poésie française glisser à terre et je me baisse, précipitée, le feu aux joues, pour les ramasser, juste au moment où quelqu'un passe tout près tiens, bravo. « Pardon, excusez-moi. »
Tracer les lignes du bout des doigts, articuler les lettres à la pointe du stylo. Suivre les courbes. Pointer les déliés de l’ongle. S’installer dans les rondeurs et se courber sur les angles, se tendre dans ce qui est droit. Se tendre avec mon corps, tout le long de l’échine, comme si les mots m’articulaient. Ce sont les mots qui m’articulent, depuis que je sais ce que leurs symboles veulent dire. Je crois que j’ai plus vécu en leur sein qu’avec ma chair et mes yeux, je crois qu’il est sûr, en tous cas, que j’ai vécu de plus nombreuses vies avec eux qu’il ne m’en est offert de connaître.
C’est dans les mots que nous pensons – qui disait cela ? J’ai huit cent noms qui me reviennent en tête, vagues et tombant comme des pierres, Woolf, Asimov, Desbordes-Valmore, Dickens. Non. Ce n’est aucun d’entre eux. Je cherche parmi les flots de patronymes, je remonte le courant, la main tendue, pour finir par saisir le bon, c’est Hegel, Hegel. Je le pose, le regarde, jusqu’à ce qu’il se brouille, comme tous les autres. Il avait bien raison. C’est dans les mots que nous pensons et comme ils se refusent à moi, j’ai peur de perdre la raison. Il a été un temps où ils étaient pourtant mes prises pour demeurer ancrer dans le réel. Écrire, tracer des courbes, dessiner des syllabes et tisser une histoire, c’était ma thérapie, ma fenêtre dans cette chambre qui n’en n’avait pas, à l’hôpital – je suis sûre que c’est ce qui m’a permis d’en sortir. Plus que les comprimés, plus que l’analyse approfondie de tout ce que je pouvais dire. Enfin j’espère. C’est plus joli de penser que c’est la littérature qui m’a permis de garder la tête hors de l’eau et de m’extirper du bassin ténébreux, plutôt que les médicaments. Sauf que ça impliquerait que si je ne peux plus lire ou écrire, je vais plonger de nouveau. Dans la boue. Plouf. Jusqu’à ce que je m’asphyxie.
J’ai peur. Penchée sur cette page de Baudelaire, couleur de crème avec des sillons noirs, j’ai peur d’être aspirée, de tomber dans les trous. Noir et blanc sur le grain du papier. Je ne sais même pas quel verbe est en train de me mettre dans un état pareil. Tu réclamais le soir, il descend… le voici ? J’écume la mer houleuse de ma mémoire, à la recherche de la bonne fin du vers. Le voici ? Quand descendra le soir, je suis si fatiguée et je voudrais que ce jour-ci s’achève ? J’essaie de ne pas prendre ma confusion trop au sérieux. Je sais que ça passera, c’est déjà arrivé. Ça passera, il me suffit d’attendre et de ne pas avoir peur.
Mais j’ai peur. Alors j’agis sans réfléchir pour faire comme si ça n’était pas le cas, pour couper le flux. Baudelaire chute, tombe, fracas, bam. Oh non. Mais quelle gourde, quelle gourde. Je m’excuse auprès de la personne qui passe à ce moment, rouge de confusion – plus je me répète que c’est gênant et que je suis une idiote et plus mes joues me brûlent, et plus je pense que c’est idiot. Nous nous accroupissons côte à côte pour reformer la pile de livres. « Merci beaucoup. » Il a Baudelaire en main et tarde un peu à me le tendre. Et puis, je ne m’y attendais pas mais il esquisse un petit sourire timide. La poésie française ? Si je l’aime ? « J’adore ça. Vous… vous êtes français, non ? » Bien que je n’ai pas pratiqué la langue depuis longtemps, et que je n’ai pas souvent l’occasion de l’entendre parler non plus, il me semble avoir perçu un léger accent dans sa voix. Si je me suis trompée, je n’aurais plus qu’à aller chercher une pelle pour m’enterrer moi-même.
Je suis dans ma bulle, presque tout le temps, et ses contours sont un peu flous, un peu irisés, avec quelques couleurs : je vois le monde de loin, et non pas tel qu’il est, pour de vrai. Des fois, souvent en fait, je pense que j’adorerais être invisible. Ça m’irait bien de m’asseoir dans un coin, de me poser et de ne faire que regarder les autres qui réussissent à vivre, à interagir entre eux sans paraître sans arrêt maladroits. Ou je reste dans ma bulle ou je me frotte au monde, et dans ce dernier cas je finis systématiquement par me rendre ridicule. Prenez le cas présent. Il est là, face à moi, il me rend aimablement service alors que j’ai manqué l’assommer avec mes gestes incontrôlés – tout du moins, lui faire écraser le pied par deux millions de vers. Il me demande si j’aime la poésie française et ça a l’air d’être un réflexe, comme s’il était étonné de se trouver avec le nom de Baudelaire entre les mains. Peut-être que c’est étrange. Je ne sais pas. Au lieu de lui répondre tout simplement oui et merci, je lui jette à la figure mes soupçons sur ses origines. Bon sang. Je me demande d’où me vient cet élan de vanité, qui me pousse à vouloir vérifier mon oreille, si j’ai totalement perdu le sens commun ? Il est surpris. Il me confirme qu’il a vécu en France en bredouillant. Il est très visiblement mal à l’aise et sa gêne ne peut avoir d’égale que la mienne. Il s’enfuit pratiquement, sur un dernier sourire et un adieu convenus, après avoir déposé les livres sur le coin de la table, exactement à la place qu’ils occupaient auparavant. J’ai à peine le temps de réagir. « A v… vous aussi. » Je marche au ralenti de toute façon. Il est parti, et je ne me sens pas de me rasseoir. Alors que sa silhouette s’est déjà effacée de mon champs d’horizon depuis plusieurs secondes et que je serai incapable, si on me posait la question, de dire de quelle couleur sont ses yeux et s’il portait ou non une chemise, je m’interroge. À quoi est-ce que cela rime, pourquoi tout ça au juste ? Maintenant je sais que sa mère est française, et jamais plus nous ne nous reverrons. La vie semble tellement, quelle est le mot ? La vie semble vide et vaine.
Même si, je l’avoue, c’est soulageant de savoir qu’on ne laisse pas de trace, aucun souvenir, quand on commet gaffe sur gaffe presque irrésistiblement.
Je marche en direction de l’arrêt de bus, en essayant de ne rien voir autour de moi, rien sinon la ligne droite de ma trajectoire. Je serre contre ma poitrine le livre que je me suis décidée à emprunter, fol espoir – c’est le sien. Je ne le connaissais pas. Il a dû se glisser dans la pile de mes recueils sans que nous y prêtions attention en la reformant. Je les ai tous rangés dans les rayonnages avec attention, suis tombée sur celui-là dont j’ignorais la place, je l’ai serré entre mes mains et me suis dirigée vers le guichet d’emprunt. Pourquoi, je ne sais pas. Parce que je savais encore moins dans quel rayon le remettre ? J’essaierai de le lire, c’est promis. Je vais l’ouvrir et concentrer toute mon attention sur les capitales du titre, en première page, et quand ce sera fait, lorsqu’elles auront pris un sens, je passerai à la suite. Ligne après ligne, je vais tenter. Tenez, tout de suite, en attendant le bus. Je m’assois, et mince, oh non mince vraiment, je ne me rends compte qu’après d’à côté de qui je me trouve. Je me raidis. Trop tard pour me lever et partir. Je pourrais dans l’absolu, ça ferait bizarre certes, mais il paraît plongé dans son roman… alors peut-être ne m’a-t-il pas vue. Il est encore temps. Sans doute ne me reconnaîtrait-il pas d’ailleurs… Je suis figée sur place, estomaquée par ce coup du sort. Je garde les yeux baissés sur mes chaussures, le livre toujours serré contre moi – son livre… oh, je suis certaine de sentir son regard sur ma nuque, il me brûle encore plus fort que mes joues. J’en suis sûre. Il m’a certainement vue et reconnue – ça ne fait pas un quart d’heure après tout – et il a dû remarquer le livre aussi. Il doit pense que j’ai fait exprès, que je le lui ai pris. Oh, je suis sûre qu’il me regarde et qu’il me traite de voleuse en ce moment même. C’est affreux, je n’arrive pas à supporter ces sensations. « Vous… vous l’aviez oublié et je… l’ai trouvé intéressant. » Alors qu’il ne m’a en vérité même pas prêtée attention, je me sens dans l’obligation de me disculper comme cela, à voix haute, d’un coup, comme si c’était la suite de mon infernal monologue mental, intervention affreuse, déplacée, gênante, qui me plonge un peu plus dans la confusion.
Il y a, cet abominable soleil juste en face, qui m’éblouit de ses rayons blancs aux reflets d’arc-en-ciel, divin soleil au milieu de ce ciel d’un bleu parfait, ciel de ces journées d’été qui s’écoulent dans la quiétude, l’indifférence, s’écoulent comme du sang hors d’une plaie, lourdement, avec lenteur, comme un liquide de sommeil, une drogue, dans un compte-goutte d’hôpital. Et je me demande comment toutes les composantes de la vie peuvent être aussi jolies et aussi laides, je crois que tout réside dans les contrastes – la chaleur du soleil et mes mains qui restent froides, ce qu’il y a de sublime dans un ciel découvert, et de terrible dans la blancheur d’un hôpital. Mes joues qui brûlent et mes mains, toujours froides, et le sang dans lequel vient se terrer la morphine, comparé à cette pureté absolue du jour. Il y a, mes mains, encore et pour toujours glaciales, resserrées autour de mes livres, et dont la pulpe des doigts ne parvient pas à s’agripper aux couvertures. Je les sens à l’écart. Je les sens séparées, hors de moi. Détachées. Différentes, insaisissables. Il y a tout ces milliards de petites choses qui s’opposent frontalement, et moi qui les remarque, qui passe ma vie à me débattre parmi elles, moi coincée, enfermée, prise au piège entre le chaud, le froid, la beauté et l’horrible, ce qui respire et s’émerveille et ce qui crève, se racornit, et ne bouge plus.
Vous savez je voudrais que les choses soient plus simples, qu’il me suffise d’ouvrir la bouche et d’être naturelle : je dirais n’importe quoi, mais sans arrière-pensée. Je voudrais qu’il n’y ait pas besoin de réfléchir, ça jamais, je voudrais être capable de couper le son à l’intérieur de ma tête et de sentir lorsque j’inspire, sentir l’air que je brasse toucher ma peau, et de faire taire mon monologue mental continu – c’est infernal. Je voudrais que ce ne soit pas bizarre de se mettre sans raison apparente à parler livres avec un inconnu, en attendant le bus, quelques minutes après avoir manqué lui écraser les pieds avec Baudelaire. J’aimerais ne pas être contrainte à m’emmêler les pinceaux, à trop chercher ce qu’il serait correct, et non pas intrusif de dire, de ne pas être forcée de remarquer qu’il fait chaud quand mes mains sont si froides. J’aimerais remonter le temps et être, tenez, chez les maories. Loin d’ici. Loin de moi, surtout, surtout ça.
C’est comme un muscle, pendant l’effort, qui se contracte, s’étire au maximum et crie qu’il ne peut pas davantage, jusqu’à ce que par miracle, la douleur qui s’y loge s’estompe d’un seul coup – comme est-ce que cela s’appelle… endomorphines. Eh bien c’est comme cela, c’est l’effet d’un sourire et d’un ton amical qui me propulse d’un contraste à un autre, de l’hôpital à l’astre lumineux, rond et chatoyant, qui fait briller des cercles d’arc-en-ciel devant mes yeux. Je lui rends son sourire tout en sentant disparaître la chose brûlante et douloureuse à l’intérieur de mes joues. « Merci. Je le rapporterai vite. » Et je voudrais glisser sur la vague de ce calme, de cette paix toute nouvelle, me laisser emporter par les ondes sans ridules de ce ciel en coupole, tout autour de nous. Et je n’ai plus envie de réfléchir. « Je ne suis jamais allée en France, mais j’aurais bien aimé. Ça doit être très beau. » Je dis ça à cause d’une série de déductions à la chaîne : il est français, il voulait en apprendre sur l’histoire des maories, il vient donc juste d’arriver. Ça n’explique pas, en vérité, pourquoi cette sottise sort de ma bouche, mais bizarrement, ça m’apparaît logique. Oh, Rosie. Que des sottises, dont est fourrée ma tête, et je tourne mon visage vers lui avec une toute nouvelle prête à sortir. « Je suis vraiment désolée… depuis tout à l’heure, j’ai l’impression de ne faire que maladresses sur maladresses, et c’est pénible pour nous deux il me semble. »
Si je regarde la lumière et que je ne dévie pas des yeux, si je me force à la fixer jusqu’à en avoir presque mal et qu’elle devienne un cercle blanc brûlant ne cessant de grandir, il aura beau faire noir autour, j’aurais beau être entourée par les pires choses de l’univers, ça n’aura aucune importance. Mes iris ne verront plus que la lumière encore et toujours plus grosse. Je la laisserais m’aveugler ; et peu importera alors que je sois en enfer ou perdue dans la mer, au beau milieu de la tempête, je ne verrai que cela, la lumière, pour m’envelopper de quelque chose de beau et plein d’espoir. Si je m’accroche à ce sourire sincère qu’il m’adresse, si je n’observe que sa figure, peut-être que cela aura le même effet. Peut-être que je me sentirai de mieux en mieux, remontant encore et encore la vague, que j’oublierai tout le reste. Peut-être. Je lui renvoie son sourire pour lui dire que je n’y manquerai pas, si l’occasion se présente. Que n’importe qui vienne vers moi avec un billet d’avion et je lui sauterai au cou ; petite, je n’aimais pas le français, je trouvais que c’était une langue beaucoup compliquée et je détestais mes parents de me forcer à l’apprendre. Il y a eu un déclic, un jour, je ne sais comment, comme un liquide qui se déverse dans le cerveau, un genre de philtre d’amour. Le soir, avant de m’endormir, je me suis promis de m’y rendre au moins une fois. C’était l’époque où toute ma vie pouvait encore être rêvée. Je lui souris aussi pour lui dire que j’apprécie ce pas qu’il fait dans ma direction, cette recommandation qu’il m’adresse d’un ton bienveillant. Nous marchons peut-être sur la corde raide, nous marchons sur des œufs mais il semble que c’est dans la direction l’un de l’autre.
Nous marchons sur la corde raide, nous marchons sur des œufs, mais peut-être que nous nous rapprochons, à petits pas, sous ce qui est sûr, est un soleil. « Oui. Je suis née ici. » Et j’y suis demeurée toutes ces années, ne m’éloignant pas plus longtemps que quelques jours, que deux ou trois semaines lors des vacances. On pourrait me comparer à une ombre, immobile, plaquée sans résistance par l’astre de midi sur les murs. Est-ce que c’est triste ?
Je craque, parce que j’en ai assez d’avoir les pieds empêtrés dans des spaghettis gluants, et que je crois que nous avons le droit de nous montrer honnête. Tout du moins d’essayer. Ensuite… eh bien, je n’en suis pas à un ridicule près, n’est-ce pas ? Tant pis s’il me prend pour une folle, il ne sera pas si éloigné que ça de la vérité. En fait, j’ai peut-être eu raison de lâcher cela. C’est certes gênant et tombe bizarrement dans l’espace entre nous, mais au moins, ça n’est plus retenu, et maintenant, il est envisageable que l’on chasse cette gêne épouvantable comme deux poussières sur les manches de nos vestes, du bout des doigts, d’une pichenette. Sa réponse me rassérène et du coup, je me mets à parler en agitant les mains. « Non, vous n’avez pas à le faire… j’aurais sûrement fait la même chose à votre place. » Le livre est sur mes genoux, mes mains vont le rejoindre, deux ailes de papillon un instant fatigué. « C’est une formule complètement ridicule mais… est-ce qu’on peut juste effacer l’ardoise ? » Recommencer. Avoue que vu la façon stupide dont tu t’es comportée, ça t’arrangerait bien.
« Vous… vous êtes en ville depuis longtemps ? » Je ne sais pas si ça n’est pas trop osé de lui demander ça. Sa curiosité à propos des Maories m'impressionne, en vérité. Si je changeais de pays moi-même, pas sûr que mon premier réflexe serait d’aller à la bibliothèque chercher à me renseigner à fond sur son histoire. Changer de pays. Une bouffée d’un sentiment étrange, peut-être de la mélancolie, des regrets par rapport à mon enfance, quand j’allais à l’école faire des conjugaisons et écrire à nos correspondants, m’envahit à penser qu’il est français.